dimanche 31 mars 2019

LES AMOUREUX




LES AMOUREUX

« Les Amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics »
Ont vraiment de jolies gueules très sympathiques,
Tant ils s'étreignent à pleines mains, visages enfouis,
A côté d'adultes très aigris, sans folie,
Si tristes, si seuls, ressemblant à des pantins,
Non plus innocents mais ignorants, l'air de rien,
Mines de cire, pitoyables sires, sans l'amour,
Ne vivant plus, écumant « l'écume des jours »...

« Les Amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics » :
Qu'ils sont mignons, ces amoureux, et sympathiques,
Un corps balançant l'autre en gaie apesanteur,
N'analysant point mais savourant le bonheur,
Saisissant un monde dans le regard de l'autre,
S'en fichant d'autrui, se fichant des faux apôtres,
Se caressant, s'aimant, en tourbillons de feuilles,
Petits grelots tournicotant au vent sans deuil...

« Les Amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics »
Provoquent l'envie chez les passants hydrauliques,
Sevrés d'absinthe, d'eau-de-vie, capiteux vins,
Sevrés de bourgeons, fleurs et merveilleux parfums,
Sevrés de rires et de mélodieux chants d'oiseaux,
Sevrés de baisers mouillés, de velours de peaux,
Sevrés de flamboyants, joyeux matins du Monde,
Sevrés d'apocalyptiques couchants, et d'onde...

Noëlle ARNOULT
Mardi 19 Septembre 2017,
16 h 30
Station Tram République, Dijon.

samedi 23 mars 2019

QUERCUS ET HEREDA HELIX



QUERCUS ET HEDERA HELIX

O Mon Amour, comme je t'aime et m'abandonne,
M'enroule en toi, sur toi et en tes nobles bras,
Désespérée de t'atteindre où tu t'arraisonnes,
Effrénée à te rejoindre là-haut, là-bas.


O Mon Amour, comme ton fief est loin de moi,
Je m'époumone, ronronne auprès de ta chair,
Voulant atteindre tes sommets où tu es roi
Car, avec toi, je veux jouer la fille de l'air...


Je me projette, vive, en ma course exaltée,
Quand toi, déjà au ciel, tu offres tes offrandes,
Enraciné profond en ce sol déserté,
Quand les nuées t'accueillent lorsqu'on te vilipende.


Oh, parlons-en, des nuages passants, légers !
Ils te chatouillent les narines effrontément,
Quand moi, je m'essouffle, ver de terre à tes pieds,
Amoureux de son étoile, et éperdument.


Je suis cet Hédéra Hélix envahissant,
Me projetant et creusant ta chair en écorce,
Petit lierre amoureux de son chêne imposant,
Qui, de tant de baisers vrillés, goûte ton torse.


Toi, fier et superbe Quercus pédonculé,
Projetant tes branches en paradis azuré,
Tu sais bien que je m'agrippe à toi, forcenée,
Et tu chéris ma compagnie suave, adorée.

Alors que je me navre de ne pas te joindre,
De toucher en pâmoison tes feuillus si doux,
Toi, tu consens à t'abaisser en ma bouche, oindre
Mes pédoncules en efflorescence à ton goût.


Tu m'enlaces d'une forte branche alanguie,
Tu me caresses de tes feuilles frémissantes,
Tu me fais tienne en ton sang, veines reverdies,
Tu m'abreuves de ta pluie ruisselante.

Noëlle ARNOULT,
Samedi 23 Mars 2019,
10 h 30, Dijon

jeudi 21 mars 2019

NOTRE PRAIRIE DE CERF ET DE BICHE



NOTRE PRAIRIE DE CERF ET DE BICHE


Alcool sirupeux vert comme notre Prairie de Cerf et de Biche...
Et voici la première fois que je goûte l'Absinthe Sainte aux yeux de Poètes... 
Qui me fait juste boire en tes paupières  la Saveur de ton âme...
Pour quelques gouttes à ta santé, à notre amour, si riche,
Juste un Ecritoire pour un encensoir en lueurs de Fête,
Un tout petit offertoire sous lequel rien ne se damne....

Car sais-tu qu'en robe fleurie, cet alcool n'a rien d'extraordinaire !...
Tant l'ont vanté, à,titre de quelle vertu, et pour quoi faire ?!...
Pour quel seul élan de solitude, pour quels immuables refrains,
Pour quelle gloriole, abandonnés au fin fond d'un lieu sectaire,
En quelque ruisseau ravagé par torrents de tourbe, mortifère,
Quand l'Amour, mes amis, l'amour frappe et se loge en vos reins !

Ne dévalisez pas les souterrains des alluvions fluviales et passantes,
Quand votre Royal Cerf dévale, de noble allure et de noble coeur,
Les Monts comme les vallées, pour vous enjôler de son brame !
Oh, vous ne sentez son ardeur, son orgueil et sa fougue aimante ?!!...
C'est à vous qu'il songe et se console du frottement de ses ardeurs,
Sur écorces nues et rudes, alors qu'il vous honore comme on se pâme !...

Et vous, vous, Blonde Biche, vous errez dans la prairie d'un vert si coquet,
Si coquin que vous vous pâmez d'extases et de parfums démembrés,
Quand un seul faune vous manque, seul Hôte de ses bois rude d'ardeur !...
Vous cherchez ce grand fougueux, vous l'appelez, même en obscurs rets !
Dans les secrets de la Nuit, touffus, moussus, ventrus, emplis de joyeusetés, 
Votre gésine désertée geint et soupire d'extase, de désir et de sombre humeur  !

Viens, mon Cerf, en mon flanc, qu'il ne te soit aride, si teinté de palpitante verdure,
Oh ce n'est pas ce timide alcool en fredaine qui me fait chevaucher en ton ombre,
Qui me fait tendre ma fauve robe vers le chant des choeurs de tes tréfonds !...
Non, ce n'est que l'amaranthus veridis, qui hume tant et me transhume en cure,
En véronèse cure, oui, de ton âme, transmigration mystique sans pénombre,
Juste pour tes caresses de mes flancs ressuscités d'entre les pâles moribonds !

Allons l'Absinthe de Poètes n'est qu'un prétexte de Sylphe, d'Elfe ou de Farfadet !
S'il faut croquer la Pomme d'Eve et les graines enfouies des mystérieux bois, 
Mon hyménée suinte sur les roches en fusion de ma passion inextinguible...
Une Chimère ne saurait me nuire, même si elle se tient là aux aguets,
Car je n'ai à subir que le choix, que le profond arbitre de mon libre choix,
Tant je m'offre aux douleurs et aux douceurs de ta possession, en dîme exigible !

Mes joues caressant la fructueuse sève de l'arbuste font frémir le vert feuillage,
Epandu sur moi comme une tendreté de sauge, vibrant sous ton fier brame,
Me bénissant d'une onction, quand en lui se trouve un lit de myrrhe prolifique,
Quand un rayon de soleil m'accouple à tes fiers naseaux, en idylle d'Aéropage,
Quand sur moi, enfin, tu étends ton vaste et vigoureux corps, autant que ton âme,
Quand, en sommet d'Adoration, tu me pourfends de ton emprise alchimique...


Noëlle ARNOULT
28 mars 2018, Minuit 30.
DIJON.

MA BICHE

MA BICHE
En t'attendant, cette bête hantait la clairière,
Seule, abandonnée, soumise à un noir rival,
En ce doux Prélude à l'Après-midi d'un Faune,
Son cœur, ses yeux, avaient égaré leur lumière...
Oh ! Qu'au chevet de la nuit dansent Bacchanales,
Apre solitude, tyran comme cyclone !
Elle guettait, regardait, humait senteurs troubles,
Indéfinies, maussades, parfois mélodieuses,
Transportées par la brise, les soudains orages,
Elle te hantait de ses yeux humides, doubles,
D'une souffrance qui redouble, sentencieuse,
Réceptacles de nombreux chagrins, fureurs, rages...
De ses désespoirs à l'agonie de son âme,
De ses rivières de merveilles d'Ophélie,
Elle cherche toujours son Cerf absent à ce jour.
O Beauté-alarme de cette biche-femme,
Qui a connu l'opprobre et les pires avanies,
Qui veut uniquement fredonner à ta Cour...
Arrache l'humus en Adagio de Johann,
Si triste d'un Sébastien Bach crépusculaire,
Erre dans cette forêt toujours seule ou bannie,
Exilée de sublime amour comme on se damne,
Cherchant des glands, des feuilles, un abécédaire,
De cet âme simple, sublime, abasourdie...
En t'attendant, s'enterre avec le Crépuscule,
S'aventure en une Nuit de Ténèbres osés,
Hait le moussu tapis et le feuillu taillis,
Ne veut plus manger minuscule tubercule,
Seulement baiser, caresser tes Orchidées,
S'étendre sur flanc nu, absoute reverdie...
Transpercée de l'Aurore, aux yeux toujours humides,
La voici enfin, croisant ton Noble chemin,
La voici comme moi, pure transmigration,
Alleluia, pour survivre au terrible Vide,
Voici la croisée de son opaque destin !
… Son Cerf, Clairière, en Sérénade d'émotion !
Noëlle ARNOULT
17 Avril 2018
Dijon, 22 h

ANTHOLOGIE POETIQUE FRANCAISE CONTEMPORAINE II


L'ANTHOLOGIE POETIQUE FRANCAISE CONTEMPORAINE II
SORTIE PROCHAINE


Très prochainement sort notre Anthologie Poétique Française Contemporaine 2, (Chez BIBLIOTHECA UNIVERSALIS, traduction en roumain de Daniel Dragomirescu) incluant ces nombreux et talentueux Poètes :
Ernest Kavege (Togo), Marie Cholette (Québec), Dana LangGeorges de RivasPierre MonfortPascal DagueRomain Suerte-Boulmé, Frederic Fort, Josette Gallou et Jean-Sylvestre Thépenier, Rosa FavellaJacklynn Beckman Fieschi...Et Noelle Arnoult !...Qu'on me pardonne si j'en oublie), ainsi que quatre auteurs anglo-saxons amoureux de la langue française ayant tenu à y être présents, comme Douglas Lipton, J.M. White, Grégory Gregory Vincent St Thomasino, Neil Leadbeater.
(Vous pouvez me la demander par mail par avance :
noellearnoult27@gmail.com , merci !)
En voici la Préface :
PREFACE POUR ANTHOLOGIE POETIQUE FRANCAISE 2
Suite au succès et à la richesse de notre première Anthologie Poétique Contemporaine française, nous avons décidé de continuer ainsi sur belle lancée, sur ce noble fleuve poétique,
certains Poètes nous suivant à nouveau, et d'autres récemment comme résolument embarqués.
Des Poètes anglo-saxons, américains, admirateurs de la France et de notre littérature, ont voulu nous rejoindre, de même qu'Ernest Koffiga Kavege, Togolais, Chantre de la solidarité, de la fraternité, à l'instar d'un Léopold Sédar Senghor, de ce que l'on a pu nommer « négritude », par certains aspects mais, par d'autres, consacré en littérature française, en ce pays africain ayant toujours comme langue officielle le français. Par ailleurs, riche de ses études supérieures de Philosophie, Professeur, il constate et dénonce, s 'appesantit sur les illusions et désillusions de son pays, (« On n'est pas toujours heureux chez soi », « on n'est pas toujours à l'étranger roi », « Exil ») où règnent corruptions et malversations, misères, comme il évoque toute nostalgie et admiration d'une âme simple et pure, gorgée aussi de beautés africaines. Sobre comme sentimental, sensible, il consacre aussi ici un poème à la noblesse de la femme, en images de jolis fruits et récipients de « calebasse » et en instrument musical de « balafon » (« Saine Sensualité »), toujours avec respect : « Pour son amour, je ne suis guère infâme ».
Concernant nos Ecrivains originaires des Etats-Unis, nous remarquons un langage poétique à la Kerouac, moderne, rythmé et de style se rapportant à une prose spontanée, en versification libre, d'un avant-gardisme ayant existé dès le début du 20ème siècle en Amérique, (Chefs de file : T.S. Eliot, Ezra Pound...) écrits liés à ses nombreuses évolutions sociétales, économiques, soumis à différentes influences hispaniques, afro-américaines, sous l'apport de plusieurs groupes sociaux ; poésie toujours remise en question et réactualisée, innovée en programmes universitaires d'«Ecriture créative ».
Il s'agit de se libérer de tout un carcan, conventions sociales, religions, comme un Kerouac qui utilisa drogues diverses, marijuana, et se reconnut dans le bouddhisme, en frénésies de voyages et de musiques, comme au cœur de lui-même.
Un style psychédélique, d'images fortes, métaphoriques pour Grégory Vincent St Thomasino : « le facteur arrive, dans chaque main un poignard gainé de lin blanc » (« Tue-moi ») ainsi que musical (si lié aux sonorités et inspirations musicales qu'un Dylan s'en inspira ; ainsi J.M. White évoque Elton John (Poème 3) et dit, en parlant des poètes : « nous avons besoin des enfants de Witman qui dévissent les portes des chambranles » (« Poème 2).
En ce qui concerne les Britanniques, la poésie, libre aussi, utilise quelques semblables procédés et des formules en « Kenningar » (un héritage scandinave, en courtes périphrases très imagées) comme pour Douglas Lipton (« Corbeau Sapiens ») ou Neil Leadbeater (« La Fragilité des Phalènes »), poème entièrement métaphorique de l'existence humaine comme des éphémères papillons de nuit : « Voler une heure de plus » « et vous avez ressenti pour eux ce que c'est que d'être vert et vulnérable »...Avec un peu plus de classicisme et rêverie romantique chez eux, comme pour Douglas Lipton (« Les Anges »), écrit où il reçoit la visite d'êtres angéliques, vision féerique comme matérialisée, cependant, lui évoquant ses chers disparus, comme un monde englouti par le modernisme. Il se déclare prêt « à partir avec eux »...
Quant à Marie Cholette, Québécoise, elle procède d'une poésie très riche et intuitive, extrêmement sensible, et perpétuellement mystique, incline à la métemspychose sous-jacente : « rapt de mon être par des voiliers d'oies blanches » (« Rapt de mon être par les oies blanches »)Elle se trouve en symbiose totale avec l'animal, la nature, l'humain également et bien plus qu'en empathie car tout naît et plonge en l'Amour : « les niveaux de mon fleuve / de ma lumière intérieure s 'élèvent/ et je déborde vers toi/en une pluie argentée de rayons» (« Mon Amie-sœur »). On assiste aussi, en ce même texte, à une symphonie aussi bien auditive qu'olfactive (« Des odeurs insistantes de sapinages en hiver », « des odeurs te reviennent ») et on se berce, chez Marie Cholette,' d'une mélodie extravagante, bouleversante au possible : « J'entends un violoncelle/accompagné de cordes et de vents/qui s'en sont amourachés/et les rythmes jouent de lenteur» (« Rapt de mon être par les oies blanches »).
Tous nos Poètes de France bénéficient à la fois de notre héritage culturel propre, comme de leurs particularités, la poésie française ayant toujours bénéficié d'une grande variété formelle et thématique, en privilégiant traditionnellement la versification, établie peu à peu avant d'être contestée vers la fin du XIX ème siècle. Nous pouvons néanmoins observer un tronc commun émotionnel à fleur de peau et d'âme, où le sentiment et le ressenti sont rois, jusqu'à l'obsession, concernant l'amour, le pays natal et l'histoire d'un peuple ou d'un individu, Mémoire, tout ceci incluant forte nostalgie, mélancolie et regrets, comme bien d'illustres ancêtres littéraires avant nous, de Ronsard à Joachim du Bellay, Marceline Desbordes-Valmore, Lamartine, Hugo, Jean Richepin, Verlaine...
Les styles et supports diffèrent, bien entendu, ainsi Romain Boulmé a pratiqué de nombreuses formes poétiques mais s'illustre ici, de manière originale, par le slam, qui lui permet de clamer et illustrer la poésie sur scène, la rendant pleinement vivante et actuelle, et de transcender le questionnement naturel de l'être. Ainsi, la mélopée slamesque permet une forme néopoétique, un néostyle avec la création de néologismes. Quoiqu'il en soit, chez Romain, on retrouve la mélancolie du méditatif contemplatif déplorant la perte de nos racines, ceci se transforme en une quête profonde : « Venir vous rendre hommage/ Est le plus beau des pèlerinages », « C'est la rencontre entre deux mondes/ Celui qui fut et puis...celui qui tue » , « Mais où sont passés ces génies immortels ? / Ces morts vivants, ces non-conventionnels » (« J'irai slamer sur vos tombes »)
… De surcroit, Jean Taillabresse, Poète breton, déplore un monde englouti, sali et assassiné : « Le crime est là, aux regards de l'enfant » (« Terre conquise »), « laideur des chiures et hideur des matins », « J'essaie d'oublier/ que ma terre n'est plus cette injure au soleil » (« Souillures »). Et ceci apparaît comme une perte quasi-irrémédiable, quand tout est énoncé au passé : « Nous avions nos martyrs pour nous parer de légende »....
Aussi, Pierre Montfort analyse de manière moderne, sobre et symbolique sa philosophie ou peut-être une vision partielle ou temporaire de l'existence, empreinte d'une certaine impuissance et obscurité, sinon pénombre ou noirceur ; une véritable énigme de Sphinx : « Comment sortir de là/c'est un entonnoir/Tu glisses ton âme/ Dans la vague », « Et tu deviens muet/Privé de ta voix » (Poème 3)... De quoi déclarer forfait ou s'en retrouver assommé : « Le pauvre type allongé/Il est photographié/ Amoché » (« Poème 4 : Uppercut »).
En regrets éternels et sous forme élégiaque, deux Poétesses déplorent en douleur éternelle
la disparition d'un être très cher, Jacklynn Beckman et Dana Lang :
Chez Jacklynn, comme pour Victor Hugo, il s'agit de la terrible perte de la fille si aimée, « enfant de vingt ans » et le justement nommé « Tristesse » nous inflige le « glas », le « chagrin », nous rapporte cette souffrance en « combien je l'adorais »...Si bien que même « le petit Prince est mort et avec lui l'amour/Votre terre d'aujourd'hui ne vaut pas le détour » (« Etoiles »). Quant à Dana, le départ de son Aimé la laisse solitaire, malheureuse et inconsolable, en ses multiples et justes hommages : « Pour Maurice », « O Mon Bien-Aimé, comment pourrais-je t'oublier », « Sans Toi » et « Tristesse » : « Sans toi, nos souvenirs me hantent/Qui me dira ce que je dois faire ?/Sans toi, j'erre et je me perds/Sans toi, tout m'indiffère (....) Sans toi, mon âme pleure ».
Pour Pascal Dague et Rosa Favella, les années passées de notre existence ont laissé indéniablement des traces, l'amour comme le courage s'avèrent néanmoins présents, en notre si humaine condition, pour tout reconstruire et partir sur une voie nouvelle, en effaçant tout, pour s'ouvrir à une autre vie, une seconde ou troisième chance ; l'hésitation peut exister, mais elle ne constitue qu'une sorte de passage un peu obligatoire, en notre condition humaine, cependant renaissant puissamment de ses cendres tel un Phoenix : « Laisse-moi du temps » écrit Pascal : « Désespéré à l'idée de devoir jamais te quitter/Comme un échec que je refuse d'imaginer/Et pour ne pas avoir le temps de te voir m'oublier/Je recueille avec soin l'éclat de ton sourire ». Puis, l'encouragement fort et si présent à l'aimée : « Ne me dis plus/Que prochainement tu vas mourir/Moi, je veux être là pour te soutenir/Ne me dis plus/Que je ne discerne rien/Je veux attraper ta main ». (« Derrière ton masque »).
Quant à Rosa, elle privilégie « Le souffle de la vie » : « Je prends mon envol/ Et respire le renouveau/Je réalise mes projets/Et me ressource/Dès que je peux. » Car, pour cela, est nécessaire la persuasion et « Le courage » : « A chaque naufrage/Toi le courage, tu me donnes la rage/Vaincre sans craindre, la peur n'est plus/Je sors de ma cage/Je nage vers le rivage »...
On retrouve avec Josette Gallou et Jean-Sylvestre Thépenier une maturité heureuse, plutôt détachée et oublieuse d'un passé enseveli, comme de tout malheur, bien que notant les défaillances sombres de notre époque et de notre planète ; il semble bien que ce soit l'amour, encore, le meilleur moteur et la meilleure justification de notre existence terrestre. Ainsi, aussi bien tous deux dénoncent-ils certains méfaits de société que se réconfortent-ils en leurs sentiments, l'or de cette Terre : « Je suis l'infini/Vivant/Je suis la douceur/Qui combat la douleur », « Le passé/Et le futur/Se marient/Pour enfanter mon présent » (Thépenier « Je suis »), et : « Ne plus faire de guerres », « Un lit douillet où le rêve se fait nid » (« Vivre, Oh Vivre ! ») ; quant à Josette, elle souligne que nous ne sommes là que « juste le temps d'un passage », aussi bien nous, que les dits grands de ce monde, et que « mon destin est mien, de passage » (« Le temps d'un Passage ») ; « l'amour ne mourra jamais, même en ces cœurs de vieillards (« Au cœur de la vieillesse ») quand bien même, « nul n'écoute leurs sentiments », « Pourtant l'amour dans le cœur, sans âge ».
Nous rencontrons aussi, ici, un Poète plus léger, frais, comme printanier, toujours positif, au cœur chaleureux, Frédéric Fort, né dans l'Est de la France, à Nancy. En dépit d'un parcours peu facile, Frédéric manifeste ainsi une jolie volonté de vivre, face à toute adversité, et nous ensoleille de ses éclairs de joliesses, comme une suave chanson de jeunesse d'esprit et d'âme. Tout resplendit et fleurit en Reverdie, remontant à la tradition poétique des trouvères moyenâgeux. Ainsi, « Fleurit » donne grâce à « fleur », « coeur », « mignon », « belle »... Il s'agit d'une floraison à l'extérieur comme à l'intérieur de nous ; il y est un « Estal » de « rire » et de « sourire »....
Noëlle Arnoult, Poétesse depuis sa tendre enfance, respire et vit en poésie, principalement exaltée amoureuse, ici, en ces quelques poèmes choisis, représentant, comme elle le dit, elle-même, sa principale raison de vivre. Quand elle évoque « Mes Camélias », qu'ils soient blancs ou rouges, contrairement à la Dame aux Camélias de Dumas, elle accepte tous les jours les hommages, non pas de ses, mais de son Amant. Un Aimé à la manière mystique, divine et osmotique (« La Chambre des Anges ») : « Comme je le désire, comme Dieu lui-même ! », « de ton hostie » , évoquant « une Nouvelle Bible » et une transfiguration en « buisson ardent ».
Inspirée également en méditations mélancoliques, méditatives, bucoliques, elle révèle un tempérament à la fois rousseauiste, profondément Romantique, une âme traversée de correspondances idéales et imaginatives, capable de s'émouvoir et de comprendre une statue d'artiste ayant quitté ce monde, comme de percevoir sa profonde tristesse de manière saisissante : « Où le buste austère et triste du vieux sculpteur/Peint sa mélancolie sur quelques vaguelettes/Prélude en ce sacre encore printanier vengeur/De son départ clos par les arbres à l'aveuglette ». (« Devant ce grand Lac »).
Enfin, en apothéose de ce recueil si riche en personnalités et écritures diverses, deux Poètes en extrapolation entrevue comme réalité constante bien que mythologique, nous enchantent ici, chacun en leur manière, Poète enclin, pour l'un, Olivier Lechat, à une évocation célébrant le Poète et sa lyre de « vif-argent d'écume de bronze » (De Profundis »), affirmant que, pour Vivre, il faut « Oser », en « théâtre de sa vie », « en limbes de son âme », « en volupté » et que nous embarque le « divin Dionysos, aux vignes de mes épopées » ! Tant il faut « oser le vin de sa chair ».
Et oser, clamer, enfin, l'Orphisme, clairement célébré par Georges de Rivas, où la « Beauté Eurydice », « Espérance poésie » est retrouvée et ressuscitée. « Je t'ai reconnue, Eurydice, vêtue de ta robe diaphane », « Je t'ai reconnue, présence et promesse d'altière poésie », de même que ce symbole parfait du pur amour : « O Femme aimée, mon totem tatoué au vélin de pure louange », « l'Amour versa ce vin d'or pour signer l'union de nos âmes »...
Révélations devenant la clé de tout être et de toute poésie.
Noëlle ARNOULT
Introduction à l'Anthologie Poétique Contemporaine Française 2
Dijon, 18 Mars 2019

SAINTE RITA


SAINTE RITA
Sainte Rita, tu me vois, ma Sœur de mon cœur,
Comme toi, je saigne, pour le Ciel et pour l'Homme,
Exaltée, je ne cache plus cet affûteur
Qui loge en mon âme et pour tout me blesse en somme.
Pour tout me transporte en haut faîte des montagnes,
A toucher les nuées, les embrasser, les rêver,
Me fait me sentir si heureuse en vraie Cocagne,
Puis me jette en abîme sans plus de pitié.
Car mon âme n'est pas de poussière légère,
Mais d'un plomb tirant sur l'or, lourd comme luxueux,
En son poids de Profundis, Alleluia fier,
Prodigieux et luxuriant, pécheur et vertueux.
Mon âme et mon cœur font peur, comme main de Dieu,
Exaltés et presque rendus fous par amour,
Qu'on n' attende rien d'autre de moi, par sang bleu,
La folie, la Passion au mieux, sont mes atours...
Sainte-Patronne des causes désespérées,
Au firmament, luit ton étoile et ton épée,
Quand tout te transperce, et toi te veux désirée,
Ardemment, par les Cieux comme par vœux criés...
On se met à genoux devant toi, on t'encense,
Tu es le garde-fou du presque suicidé,
Tu sauvegardes un amour perclus en ses sens,
Tu regagnes Croix en son maillon enchaînée.
Ton œil ardent et de mélancolie vertueuse,
Sait tout de la vie et de la mort abominable,
Qui pourtant semble douce par vilaine tueuse
A l'éperdu qui n'attend plus main charitable.
Ta face resplendit de Dieu, tu le transmets,
Tu transfigures l'Homme par Dieu, tu éclaires
Celui qui souffre en un cœur trop vaste et sans mets,
Les roses s'agenouillent devant le Saint-Suaire...
Leurs épines te lapident les mains, les miennes,
Car nos veines à vif s'enflamment en ce chemin
Trop grand, trop pur, trop haut, profond, puissant en Siennes,
Qu'il nous offrit tel un fardeau en parchemin.
Tu dois prier, exaucer, guérir, O Ma Sœur,
En tous ces destins, la Couronne sur la tête,
Quant à moi, je vibre excessivement, de pleurs,
Mon bras tendu pour recevoir l'amour en Fête.
Nous portons notre Croix en voie de Compostelle,
En nos jours de vie qui n'ont pas compté, avares,
Quand nous quémandions un déluge d'hirondelles,
Et que nous souhaitions surpasser toute amarre...
Car je ne peux me coiffer de sombre cornette
Quand ma précieuse et consentie complexité
Me fait aimer autant l'Homme que Dieu esthète,
Cependant de la même entièreté beauté.
D'un même élan, baiser et caresser en flamme
La chair et la bouche, la chair de cet Aimé,
En un règne qui n'a de fin, sculpté en drame,
Où l'on prie Sainte-Rita, en illuminé...
Son corps en avant projeté est mon histoire,
Un encensoir impertinent béni par Dieu,
Se balançant en orgue des Anges ostensoir,
Tant ils frémissent à le voir enfin si heureux.
Car j'aime un homme, Mysticité me torture,
L'Osmose ne me laisse de repos pénombre,
Mon Désir impérieux soutenu par luxure
De Pureté sensuelle, terrestre, sans ombre.
Car ainsi le dessein de l'Adam, jolie Eve,
Tentatrice, irrésistible, joie du guerrier,
Clameur vive à la face du cosmos, sans trêve,
Gravée en nos gènes comme bonheur lié.
Noëlle ARNOULT
15 mars 2019, 3 h, Dijon