lundi 27 mars 2017

ENTRETIEN AVEC DANIEL DRAGOMIRESCU








LA ROUMANIE REND HOMMAGE AU MONDE, A L'EUROPE ET A LA FRANCE....
IL EST GRAND TEMPS DE RENDRE HOMMAGE A LA ROUMANIE !


INTERVIEW DE M. Dragomirescu Daniel
Je publie ici l'entretien eu avec M. Dragomirescu Daniel, Journaliste, Ecrivain- Nouvelliste, ancien Professeur de Littérature à Bucarest, Fondateur et Directeur de la Revue, "ORIZONT LITERAR CONTEMPORAN" , soit "Horizons Littéraires Contemporains", créée voici 10 ans et permettant aux Poètes de toutes nations de s'exprimer et de répandre la bonne, vraie et importante Parole poétique à travers le monde.( L'Europe y est mise à l'honneur, de même que quelques pays d'Amérique Latine, etc.).
Il convient de rappeler que la langue et l'histoire roumaines bénéficient de nombre de racines communes latines avec notre propre civilisation française, et que, lors de notre passé lointain et récent, beaucoup de nos événements, arts et actions s'en sont trouvés entremêlés...
Quant à M. Dragomirescu Daniel, il aime et honore particulièrement notre riche passé historique et culturel car, depuis tout jeune, il s'y trouva baigné, par hasard peut-être au tout début, puis par goût et recherche extrême, ayant d'ailleurs choisi plusieurs options à l'Université se rattachant à notre littérature et langue.
Son parcours fut et est toujours Lutte au sein d'un pays, la Roumanie, ayant connu, et connaissant toujours, de multiples combats politiques et sociaux.
C'est pourquoi je vous demande de bien vouloir PRENDRE LE TEMPS de consulter et lire mon article à tête reposée car il s'avère relativement long pour couvrir les différents aspects de son existence, engagements, résistances, optiques, tout en évoquant, en même temps bien entendu, d'importantes phases et époques de son pays. (Né en 1952, il eut l'occasion, malheureusement, de traverser les plus sinistres Pages vécues par la Roumanie...)
Concernant HLC, il s'agit donc d'une Revue à visée universaliste, où les textes des Poètes, maintenus toutefois dans leur langue originelle, sont traduits, en parallèle, en roumain ou/et langue anglaise ou espagnole, italienne, selon les circonstances et possibilités de traduction et d'édition. Un joyeux kaléidoscope de couleurs et de sonorités faisant entrer la Poésie dans un véritable Feu d'Artifice Littéraire et lui re-conférant toute sa Noblesse et Liberté d'expression !...
Il s'agit cependant d'une lutte de tous les jours pour conserver ces publications, (et les expédier dans le Monde ! ) paraissant tous les deux mois, une Revue format 21x29,7 d'environ 70 pages, et où je me trouve d'ailleurs publiée, et traduite en roumain, ainsi que mon "Profil culturel", pour la parution de Janvier-Février, (soit le numéro 57) en Page... 57 ! (hasard et clin-d'oeil de ce numéro ! :) ),
pour mon Poème "Hommage à la Poésie"....
N'hésitez pas à me contacter pour de plus amples informations !
Noëlle (noellearnoult27@gmail.com)





INTERVIEW DE D.DRAGOMIRESCU PAR N. ARNOULT
Noëlle :
Bonjour Daniel Dragomirescu !
Tu t'es présenté à moi comme Directeur de la Revue internationale HLC, et également des livres de la Collection Bibliotheca Universalis, qui contient plus d'une centaine de titres, en plus d'être Journaliste et Nouvelliste, principalement...
Tu revêts donc différentes casquettes. De nombreuses cordes à ton arc !... Par ailleurs, tu as exercé, durant des années, comme Professeur de Littérature : peux-tu me dire pourquoi tu as cessé la pratique du professorat, et pourquoi un tel changement ? Et que recherches-tu dans ta nouvelle voie, depuis quelques temps déjà ?
Daniel D. :
En fait, j'ai toujours désiré être « mon propre patron »...
Oui, même durant la pleine époque de la dictature, dès mon enfance, lorsqu'on voulait nous faire croire que toute propriété était "un vol" (l'idee fausse de Marx), je me voyais et me voulais être "patron".
A Paris, bien sur. être un bon patron pour ses collaborateurs vaut tout l'or du monde, et ici c'est un peu différent, aussi bien quant au fait de la reconnaissance, (mais je ne parle pas des collaborateurs, plutôt des dirigeants institutionnels ! ) qu'en ce qui concerne la rétribution que l'on peut envisager. Peu importe, je possède l'amour de mon métier et la passion de l'écriture surtout !
Je veux être « un type » de la classe moyenne, honnête, travailleur, qui construit son destin de ses propres mains et n'a besoin de la pitié de personne !
Je me vois comme un patron plus humain qu'un Secrétaire du Parti communiste qui se réclamait « Fils du peuple » et vivait dans un luxe digne de la plus grosse bourgeoisie !...
Peut-on imaginer semblable félonie ? Non, lorsque l'on n'a pas vécu dans un tel Parti totalitariste ni dans une semblable dictature ! Car la dictature est en premier lieu corruption. Nul ne doit pas oublier cela...
Noëlle :

.Parce que tu as vécu et travaillé à Paris ? Ce qui t'aurait permis d'établir des comparatifs, évidemment !...

Daniel D.

Non, jamais, mais j'en ai rêvé, bien entendu !
C'était ma ville-lumière, tout jeune !
J'ai lu des centaines de livres et d'écrivains français d'ailleurs. Une passion, chez moi !
En effet, je conçois un amour immodéré pour la France que je considère encore comme « la fille ainée de l'Eglise », et qui m'a toujours enchanté de par sa richesse, sa liberté et sa riche culture ! Paris a vu passer tant et tant de têtes couronnées, de philosophes du Siècle des Lumières, de fabulistes et exégètes... malheureusement décapitées sous la Révolution, de même que quelques scientifiques ou poètes, tel André Chénier, sous la Terreur ! L'Histoire me passionne, en général, et en particulier, pour Paris !...

En réalité, je n'avais absolument pas les moyens de voyager et puis j'étais très pris par mon travail, ce qui fait que je n'ai pu m'y rendre jusqu'à présent.

Cependant, la Roumanie abrite aussi une excellente et importante culture, des intelligences et écrits, œuvres d'art brillantes, et je n'ai jamais accepté que les dictatures puissent mettre tout ce chef-d'oeuvre en péril !
On pourrait affirmer que la France est, sinon toujours « la fille ainée de l'Eglise », mais en quelque sorte « la sœur et l'amie de la Roumanie ! »...

D'ailleurs nos destins se sont trouvés très liés, comme pendant la première guerre mondiale, où mon grand-père fut valeureux combattant.
Rapidement, j'aime à rappeler que mon grand- père paternel, Constantin St. Dragomirescu fut au debut du XXème siecle, Maitre d'ecole pendant 10 annees (depuis 1906 jusqu'a 1916).
En Aout 1916 la Roumanie décida d'entrer dans la Grande Guerre a côté de l'Entente, de la France principalement. Tu sais certainement que la Roumanie moderne s'est constituée par le concours essentiel offert par l'emperreur Napoleon II. Grace a lui, la Moldavie et la Valachie se sont constitués, au 24 Janvier 1859, dans les Principautés Unies.
. Dans cettes conditions extrèmement difficiles, mon grand-père, ainsi que toute l'armée roumaine,, s'était retiré dans la Moldavie, qui n'etait pas encore occupée par les ennemis; si cela avait eu lieu, l'etat roumain, fondé a l'aide de la France, n'existerait plus. A Turtukaia, mon grande pere en réchappa par miracle.
Cependant, la Roumanie n'était pas préparée réellement à faire face à une guerre moderne. La Mission Militaire française, conduite par le Général Berthelot, vint nous sauver. Ce dernier devint un grand ami de la Roumanie, on le surnomma : « Taica Bertelau » soit « Père Berthelot ». Après la guerre, Berthelot fut récompensé de plusieurs propriétés en Roumanie et on lui décerna le titre de citoyen d'honneur du Royaume de Roumanie.
 A Bucarest existe d'ailleurs une rue importante qui, après la chute du communisme, fut rebaptisée avec son nom. Là où se trouve le siège de la Radiodiffusion Nationale “Romania”.
C'est pourquoi il me semble si triste que la France et le Francais d'aujourd'hui ne sachent rien de ces illustres prédecesseurs ayant cultivé des relations étroites avec la Roumanie, et on sait généralement en France beaucoup plus ce qui se passe dans l'Ile de Kergouelen ou dans je ne sais pas quel pays d'outre-mer qu'en Roumanie !


Noëlle :

Et bien oui je comprends ! Moi-même, j'ignorais toute cette belle partie de notre histoire commune dont le rideau vient de s'ouvrir brusquement, grâce à toi, Daniel, et je t'en remercie chaleureusement ! Effectivement, on a toujours affirmé qu'il fallait « rendre à César ce qui appartient à César », aussi, à la faveur de cet article, ce geste paraît tout à fait justifié !...
Pour en revenir à toute ton action, cependant, tes entreprises et initiatives diverses, je suis certaine que tu es un très bon patron ! Puisque tu l'as tellement désiré et depuis si longtemps.
Nous pourrions mettre en évidence qu' il s'agit d'une très bonne revanche, pour toi, sur le destin ! Preuve que nous pouvons « contrôler » le destin, ou qu'il nous mène, cependant, en nous « dédommageant » parfois ?...La question reste posée !
Quand as-tu commencé d'écrire ?
Daniel D.



Effectivement, je l'essaie en tout cas !

Et je ne ménage pas mes efforts. J'ai commencé voici 9 ans d'exercer dans le domaine éditorialiste ,et ai arrêté mon métier de Professeur voici 3 ans cependant aurais aimé le faire avant car je ne supportais plus l'autoritarisme de l'état, en ce domaine particulier. J'en avais vraiment assez : aucune initiative, que des directives arbitraires et tendancieuses ! J'aurais aussi aimé me consacrer, bien auparavant, davantage à l'écriture.

Et oui ! Qu'aurait pu s'imaginer un gamin, fils de paysan, au sujet de son avenir, dans un pays où les lumieres s'eteignaient a 22 heures et où l'eau courante, par économie, ne coulait plus ??? Rien de tel, en tout cas !

Noelle :
Et pourquoi dis-tu que les lumières s'éteignaient à 10 h du soir ? C'était le couvre-feu ? Tu parles de quelles années ?

Daniel D. :

Ceausescu a commis et institué tellement d'horreurs et d'aberrations, si tu savais – si le monde pouvait réellement se rendre compte !...IL a accédé au pouvoir en 1974, ainsi que sa terrible épouse, Eléna, peut-être encore plus dictatoriale que lui !... Cependant le Régime politique du communisme se trouvait en place depuis 1945, donc avant ma naissance ! IL a fallu attendre le Coup d'Etat de 1989 et la condamnation de ses pitoyables pantins pour qu'il s'effondre !
Oui, effectivement, des tas de mesures furent, par lui, prises, pour compliquer et rendre la vie des habitants de la Roumanie insupportable. Le fait de faire la queue, comme aux pires heures de la guerre, était considéré comme tout à fait normal, pour espérer pouvoir avoir le droit de se nourrir ! Comme de plonger les gens dans le noir complet dès 22 heures, à une époque dite « civilisée » !... Nous n'allions pas reprendre des silex pour espérer en faire jaillir quelques étincelles, tout de même !...

Noëlle :

Donc tu confirmers avoir vécu une très grande partie de ton existence, puisque né en 1952, sous des régimes totalitaires malfaisants, durant au moins 40 années !...



Daniel D. :

Oui, et de nombreux membres de ma famille sont morts du fait de cette politique abusive, sous les exactions. Ou les bombes, comme en 1944, ma sœur et son fiancé ! La Roumanie ayant changé de « camp «  et d' optique, pendant la guerre, 3 ans de bataille avec l'Axe et 8 mois avec les alliés, les pertes humaines ont été à regretter de façon continue ! La Roumanie put au moins récupérer la Transylvanie du Nord où je demeure et d'où je suis originaire ! Doù mes racines s'inscrivent, celle des Dacs, braves et honnêtes gens descendants des Romains et non des Slaves, comme on le croit souvent de façon abusive dans la plupart des pays européens. Nous sommes pleinement européens et descendants de latins. Alors que l'amalgame est souvent fait avec les « Roms » mais là, c'est une autre histoire.


Noëlle :

Oui, effectivement, votre langue ressemble, à l'oreille, et au niveau de l'écriture, à l'italien !...

Concernant la Transylvanie... Chez nous, elle évoque plutôt le célèbre Comte Dracula, de Brian Stoker ! Une histoire romanesque et fantastique à souhait ! Cependant il serait sans doute temps que nous accordions réelle valeur à cette région !

Daniel D. :

Certes, car hormis cet aspect « pittoresque » (même si le vrai Comte Vlad l'Empaleur ne possède pas les attraits que l'on veut généreusement lui attribuer, surtout auprès de la gent féminine étant donné qu'il s'agit d'un monstre sanguinaire, en réalité), la Transylvanie et les Carpates en particulier représentent une très belle région, tant au niveau géographique, paysager que culturel et historique. En effet, la région était, dans l'Antiquité, le centre politique du royaume des Daces, les Thraces du nord.. Puis, en l'an 106, elle fut conquise par l’empereur romain  Trajan et devint la province de Dacia Felix bien que cette province romaine ne correspondit que partiellement aux limites de la future Transylvanie.
Ce sont l'or et la halite (« sel gemme » dit-on couramment) qui attirèrent les Romains en notre pays !

Noëlle :

Revenons à la dictature, qui représente tout de même une terrible Epée de Damoclès, pour vous ! Comment est-il possible de vivre ainsi et de demeurer « debout » ?

Daniel D. :

Parlons-en. .. D'ailleurs je salue l'initiative des « Nuits debout » ayant eu lieu aussi à Paris ! Ce grand élan m'a beaucoup plu et m'a redonné espoir pour mon pays et l'Europe en général, à laquelle je suis très attaché.
IL faut absolument reconnaître que demeurer « debout » ici s'avère très difficile, et puisqu'il le faut, revenons à la situation sous Ceausescu !
Lorqu'il s'accapare le pouvoir, prenant la tête du Parti communiste en devenant Président de la République socialiste roumaine en 1974, s'instaure un terrible « culte de la personnalité », à l'occasion duquel il se fait nommer « Roi du Danube », « Danube de la Pensée » ou « Génie des Carpates ». Du 16 au 22 décembre 1989, date de la fuite des époux Ceausescu, de terribles exactions ont lieu pour juguler les mouvements de protestation ayant commencé. On compte des centaines de blessés, morts, arrestations arbitraires. Certains éléments font débat mais il est assuré que les époux Ceausescu finissent condamnés et reconnus coupables de génocide.
Elena fut sans doute encore plus monstrueuse, s'il est possible, supprimant le contrôle des naissances, ce qui entraîna, entre les années 1970 et 80, des milliers d'orphelins abandonnés dans des mouroirs. De surcroît, elle n'accorda aucun crédit à l'épidémie de Sida, ce qui déclencha une accélération de la propagation de la maladie. N'ayant effectué que peu d'études, elle n'hésita pas à se fabriquer de faux diplômes, et à faire emprisonner les vrais scientifiques.
Tout pouvoir absolu mène à la corruption, et c'est ce contre quoi la Roumanie lutte encore et toujours à l'heure actuelle. IL faudrait prévenir toute nation, la France y compris, contre ces chants de sirènes qui, en théorie, peuvent parfois paraître si attrayants mais qui, en finale, mènent aux pires désastres. Je sais en particulier que l'on étudie les idéologies marxistes, en cours de philosophie, dans les écoles européennes, et ceci me semble tendancieux voire dangereux.
Car on ne peut sans doute réellement envisager ce que l'on n'a jamais connu, lorsque l'on n'a jamais vécu dans une telle société totalitaire où le choix donné est inexistant :
Soit choisir la dictature et se plier, se transformer en pourceau, si il le faut – soit mourir de faim, de maladie... Pis : emprisonné ou exécuté !
Car qui peut embaucher, dans un tel régime, à part l'Etat ? Personne à partir du moment où la notion de «droit privé » n'existe pas, où aucun « patron » n'a droit de cité. Où il faut combattre, en tout cas sans rececoir aucune subvention de l'Etat !...
Qui peut s'arroger le droit et la liberté de penser ? Personne !...
Chaque jour devient lutte.
Si la Société, en France ou ailleurs, dans un pays dit « libre » peut s'améliorer en cas de désaccord ou imperfection, ici, elle ne le peut guère car la société totalitaire n'admet aucun changement : elle écrase l'individu !...L'individu devient un numéro dans un troupeau de moutons !...

Noëlle :

Oui, je comprends, on assiste alors à une totale négation de l'être humain !...

Daniel D. :

La Ceausescu (la femme du dictateur) voyant les gens dans la rue, attendant l'ouverture des magasin alimentaires disait: « Ah! La vermine!! Jamais il ne sont satisfaits !!!"

Noëlle :

On ne peut oublier des événements aussi sinistres !...

Daniel D. :

Et connais-tu la résultante la plus affreuse d'un tel régime totalitaire ? IL s'agit du fait que de nombreuses personnes acceptent de se transformer en animaux, renonçant à toute dignité humaine pour un misérable bout de pain, signant la dégradation absolue de la nature humaine, de son essence.
Pour faire comprendre et stigmatiser l'ignominie de cette chute absolue de l'homme, j'envisage un essai : « La société totalitariste par les yeux d'une de ses victimes ».

Noëlle :

Mais alors il a du t'être très difficile à toi aussi de survivre dans cette « jungle » !

Daniel D.

Oui, cependant jamais la propagande totalitariste ne m'a ôté ma personnalité.

Noëlle :

Tu dois en être fier, de même que d'en avoir réchappé là où le joug devait devenir le plus sensible, autrement dit, en tant que Professeur complètement dépendant de l'Etat !

Daniel D. :

Effectivement, je n'en pouvais plus, ce qui a provoqué mon départ de cette fonction.
De toutes façons, je me suis retrouvé marginalisé par la société communiste jusqu'en 1990. Ensuite, ce sont les néo-communistes qui ont pris le pouvoir et les petits descendants des Ceausescu. De nouveaux dictateurs, leurs fils « spirituels » !!! Toujours les mêmes chefs de la Nomenclature. Les rois de la classification et de la ségrégation, par le fait !

Noëlle :

Heureusement que tu as pu résister et ne pas t'avilir !
Tu représentes le combat de la dignité de l'homme !...

Daniel D.

J'ai essayé ! Entre 1991 et 1993, j'ai été le Secrétaire de l'Alliance civique, organisation départementale visant à « rééduquer » la population opprimée en lui proposant les valeurs de la démocratie. En lui redonnant de l'espoir et la force de se réveiller, de se rebeller.

Noëlle :

La situation s'avère-t-elle toujours aussi difficile à l'heure actuelle ?

Daniel D.

Non, absolument pas car une nouvelle génération s'est fait jour. Plus exigeante, même, envers les dérapages de la démocratie que les Français ou les Américains. La Roumanie, et là réside le plus grand des paradoxes, commence à faire école de démocratie pour l'ensemble de l'Europe, sans doute ! Voire au-delà des frontières !

Noëlle :

Le combat n'aura pas été vain, en ce cas ! En atteignant ce paradoxe !...

Daniel D. :

Oui, les journaux américains ou français ont abordé le sujet !
Par contre, il existe toujours des milliers de gens vivant dans des conditions d'extrème pauvreté, dans des villages, attendant l'aumône du Pouvoir pour vivre. Ils représentent une masse de manœuvre pour les ennemis jurés de la démocratie roumaine.

Noëlle :

Alors, toi-même, te sens-tu l'objet de pressions ?

Daniel D. :

Non, car dans ce pays nous avons gagné la liberté de vivre et de s'exprimer, grâce au sang des morts de la Révolution et des assassinés de Ion Iiiescu, premier successeur de Ceaucescu ! Un communiste masqué !
En Roumanie la dictature communiste s'est avérée plus dure que dans n'importe quel pays de l'Est. Et pis que les crocodiles d'Afrique !

Noëlle :

Terrible amélioration gagnée dans un torrent de sang !

Daniel D. :

Plus que cela : quelque chose de totalement nouveau apparaît dans ce pays, sur la scène du monde...
Dans ce pays autrefois acteur et témoin du totalitarisme le plus abject !
- Puisque le peuple roumain s'est opposé en majorité à l'occupation soviétique, et contre l'introduction de son régime en Roumanie.
On pourrait même considérer que la Roumanie a fait office de barrière, à quelques épisodes de son histoire, protégeant la France de l'invasion soviétique !
IL est vrai que nous l'avons payé très cher, par une répression causant des millions de morts. Ont été exterminés les fils du peuple, les paysans et travailleurs, mais aussi des intellectuels.

IL serait bon d'évoquer davantage notre lutte, en France et ailleurs !

Noëlle :

Oui car les Roumains ont fait preuve de courage et de solidarité mais le monde l'ignore...Encore trop souvent ! Finalement le Siècle des Lumières, c'est ici qu'il s'éveille et se relève !...L'humanisme après la barbarie ! Je comprends que ta revue HLC octroie la part belle à la Poésie et l'Art qui concourent à sauver le monde et à sauvegarder les libertés, dont la liberté d'expression en particulier ! C'est une magnifique manière de s'opposer aux pernicieux ! D'ailleurs j'ai remarqué que, dans ton dernier numéro, tu as introduit plusieurs photos des récentes manifestations !

Daniel D. :

Oui, absolument, pour lutter contre la corruption et les tentatives de nouvelles lois insanes, donnant tout pouvoir aux dirigeants véreux, on observe et crée de splendides opportunités, comme le soir du 27 février, à 21 heures, où cinq mille manifestants se sont réunis, à l'occasion de la Fête du Martzishor « Rezist », signe du Printemps où l'on offre habituellement aux êtres chers un Martisor (Habituellement le 1er Mars).
Ces Martzishores ont symbolisé ce soir une réelle Révolution, REZIST a pris tout le sens de « Je résiste » puisque ces cinq mille personnes ont allumé leurs téléphones portables et lanternes, afin de former l'image du drapeau européen. Un miracle s'est produit à Bucarest et va faire le tour du monde !

Noëlle :

On pourrait conclure en disant que les Roumains sont de vrais Romains, déterminés à monter sur des barricades de courage et à repousser les Barbares !

Daniel D. :

Oui, et il ne faut pas hésiter à parler de l'exceptionnalisme du cas roumain, en bien et en mal ! Un cas d'école à repousser, en certains cas, à favoriser et admirer en d'autres cas ! Les Dacs ont éliminé les malfaisants les plus résistants, cependant malheureusement une partie de la population demeure amorphe ou sans défense, voire endoctrinée !
Des millions de Roumains ont tout de même été obligés d'émigrer en Occident et de l'autre côté de l'océan, il ne faudra jamais l'oublier !...

Noëlle :

En tant que Poète, je me permettrai de remarquer que la Roumanie est une étoile, mais non filante ! Elle a marqué l'empreinte de l'Histoire et n'a pas fini de l'écrire, cette histoire !
Merci, Daniel D., pour cette entrevue très intéressante et édifiante, et à bientôt !

As-tu toutefois quelque chose à ajouter ?

Daniel D. :

Oui, je citerai Albert Camus, que j'admire beaucoup, en son courage et intégrité, et qui dans ses « Discours de Suède » a profondément exprimé ce que je défendrai toujours, au cours de mes différents écrits, Essais ou Nouvelles, en tant qu' écrivain :

« L'art n'est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d'émouvoir le plus grand nombre d'hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes. Il oblige donc l'artiste à ne pas s'isoler ; il le soumet à la vérité la plus humble et la plus universelle. »

Noëlle :

Oui, car tu écris principalement des nouvelles. Te définis-tu comme un Témoin, pour ton temps ?

Daniel D. :

De façon tout à fait humble, j'essaie de retrouver la grandeur, la noblesse et la beauté de l'homme (à la Platon, pour l'idéal, et comme Pericles, pour le pragmatisme) et de lui redonner toute la place, inestimable, qu'elle mérite et a acquise de droit, par le passé, en replongeant, sans cesse et sans cesse, dans nos racines, pour en retrouver les prémices et éviter que l'Histoire ne se répète dans le mauvais sens – pour l'incliner du bon côté ! Une manière, aussi, de rendre hommage à nos ancêtres qui ont été jusqu'à donner leur vie pour notre épanouissement et renaissance. Lutter contre l'injustice et la terreur demeure un combat de tous les jours et un défi pour notre temps.

27 Février 2017
BUCAREST


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