REMPART
DE LA MISERICORDE
Rempart
de la Miséricorde, à Dijon, c'est là où, petite, je venais
séjourner, quelquefois, depuis Paris, durant les vacances, chez mes
grands-parents paternels, Lucien Arnoult et Marcelle, née Richard. A
l'époque, nous dormions, lors de ces passages, sur des matelas à
même le sol et, toute la nuit, je m'en souviens encore, nous
entendions les trains passer sur les rails, siffler et ahaner ; c'est
un souvenir merveilleux, malheureusement tous les anciens bâtiments
d'habitation de ce Rempart ont été détruits. Cependant, lorsque je
suis retournée récemment à cet endroit nostalgique, j'y ai
ressenti encore la même atmosphère et j'ai parfaitement revu les
lieux : c'était très émouvant. Voyageurs de commerce, ils
effectuaient des "tournées" loin de Dijon, pour vendre des
bleus de travail, de solides chaussettes, des draps et torchons de
lin/coton, de gros pains de savons de Marseille et des paquets de
sucre, etc. C'est d'ailleurs ainsi qu'ils achetèrent une maison pour
leur retraite (dont ils ne profitèrent que très peu) dans le
Châtillonnais, non loin de Recey-Sur-Ource. A l'époque, de nombreux
cafés et restaurants de village rendaient les haltes beaucoup plus
vivantes et permettaient de connaître anecdotes et habitants...
Mon
grand-père maternel, lui, né à Dijon également, Georges
Lhuillier, travailla dans les Chemins de fer toute sa vie (article
nécrologique dans "La Vie du Rail" et connut très bien
Henri Vincenot, le célèbre écrivain bourguignon, en tant que
Cheminot. Entré par la "petite porte", il termina sa
carrière en haut de l'échelon, à côté de sa carrière
d'Artiste-Peintre (Prix Schefer, en 1956, des "Intellectuels des
Chemins de Fer", pour l'un de ses tableaux).
REMPART
DE LA MISERICORDE
Petite,
j'entendais les trains,
Toute
la nuit, hululer dans le lointain,
Si
proches, pourtant ; l'oreille collée au matelas,
J'en
aspirais les ahanements et le labeur d'ici-bas...
Je
me souviens surtout de ma grand-mère Marcelle
Et
de sa glycérine lui donnant des airs de jouvencelle,
De
Grand-père Lucien actionnant son rasoir
Sur
le lavabo vieillot, se jaugeant dans le miroir...
Je
respire encore l'humide odeur du sombre escalier,
Menant
à de souterraines latrines, sinistre et délabré ;
Je
m'y aventurais prudemment, en obscur labyrinthe,
A
l'aventure, craignant Dédale ou un Cerbère de Corinthe...
Marcelle,
élégante, emmenait mon frère en Salle des Ventes,
Espérant
trouver un Trésor, une commode verte charmante ;
Cheminant,
en collerette d'élégante fourrure,
Marraine
fière du petit Richard en l'hivernale froidure...
Pépé
parlait de la nature et de sa maison de Chambain,
Acquise
au cours de ses périples de commerçant forain,
Eternel
voyageur vendant du rêve en même temps que des tabliers,
Grosses
chaussettes et torchons de lins bien empesés...
Ah !
Que le Boulevard de la Miséricorde porte bien son nom !...
J'aimerais
revoir, de mes grands-parents, la petite maison !
Cependant,
la voici , par les bulldozers, écroulée, dévastée
Plus
de trace du cher et regretté quartier !
(Nota :
Henri Vincenot dut changer son titre, pour Hachette, en : « La
Vie du Rail »)
Noëlle
ARNOULT
Mardi
22 décembre 2015