dimanche 6 mai 2018

LES REMPARTS DE LA MISERICORDE



REMPART DE LA MISERICORDE

Rempart de la Miséricorde, à Dijon, c'est là où, petite, je venais séjourner, quelquefois, depuis Paris, durant les vacances, chez mes grands-parents paternels, Lucien Arnoult et Marcelle, née Richard. A l'époque, nous dormions, lors de ces passages, sur des matelas à même le sol et, toute la nuit, je m'en souviens encore, nous entendions les trains passer sur les rails, siffler et ahaner ; c'est un souvenir merveilleux, malheureusement tous les anciens bâtiments d'habitation de ce Rempart ont été détruits. Cependant, lorsque je suis retournée récemment à cet endroit nostalgique, j'y ai ressenti encore la même atmosphère et j'ai parfaitement revu les lieux : c'était très émouvant. Voyageurs de commerce, ils effectuaient des "tournées" loin de Dijon, pour vendre des bleus de travail, de solides chaussettes, des draps et torchons de lin/coton, de gros pains de savons de Marseille et des paquets de sucre, etc. C'est d'ailleurs ainsi qu'ils achetèrent une maison pour leur retraite (dont ils ne profitèrent que très peu) dans le Châtillonnais, non loin de Recey-Sur-Ource. A l'époque, de nombreux cafés et restaurants de village rendaient les haltes beaucoup plus vivantes et permettaient de connaître anecdotes et habitants...
Mon grand-père maternel, lui, né à Dijon également, Georges Lhuillier, travailla dans les Chemins de fer toute sa vie (article nécrologique dans "La Vie du Rail" et connut très bien Henri Vincenot, le célèbre écrivain bourguignon, en tant que Cheminot. Entré par la "petite porte", il termina sa carrière en haut de l'échelon, à côté de sa carrière d'Artiste-Peintre (Prix Schefer, en 1956, des "Intellectuels des Chemins de Fer", pour l'un de ses tableaux).







REMPART DE LA MISERICORDE

Petite, j'entendais les trains,
Toute la nuit, hululer dans le lointain,
Si proches, pourtant ; l'oreille collée au matelas,
J'en aspirais les ahanements et le labeur d'ici-bas...

Je me souviens surtout de ma grand-mère Marcelle
Et de sa glycérine lui donnant des airs de jouvencelle,
De Grand-père Lucien actionnant son rasoir
Sur le lavabo vieillot, se jaugeant dans le miroir...

Je respire encore l'humide odeur du sombre escalier,
Menant à de souterraines latrines, sinistre et délabré ;
Je m'y aventurais prudemment, en obscur labyrinthe,
A l'aventure, craignant Dédale ou un Cerbère de Corinthe...

Marcelle, élégante, emmenait mon frère en Salle des Ventes,
Espérant trouver un Trésor, une commode verte charmante ;
Cheminant, en collerette d'élégante fourrure,
Marraine fière du petit Richard en l'hivernale froidure...

Pépé parlait de la nature et de sa maison de Chambain,
Acquise au cours de ses périples de commerçant forain,
Eternel voyageur vendant du rêve en même temps que des tabliers,
Grosses chaussettes et torchons de lins bien empesés...

Ah ! Que le Boulevard de la Miséricorde porte bien son nom !...
J'aimerais revoir, de mes grands-parents, la petite maison !
Cependant, la voici , par les bulldozers, écroulée, dévastée
Plus de trace du cher et regretté quartier !

(Nota : Henri Vincenot dut changer son titre, pour Hachette, en : « La Vie du Rail »)
Noëlle ARNOULT
Mardi 22 décembre 2015

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