vendredi 16 juin 2017

LA GRANDE MINERIADE par le Journaliste-Ecrivain Daniel Dragomirescu, Bucarest, Roumanie.

Voici la publication de l'Article de Dragomirescu Daniel, Ecrivain et Journaliste, Rédacteur en Chef de HLC (Revue universaliste de poésie et littérature contemporaine, lien mail : noellearnoult27@gmail.com), ancien Professeur, concernant les faits tragiques de la Grande Mineriade, à Bucarest, en Roumanie, en des années bien sombres et pas si lointaines...(1990).
Exactions que, bien souvent, la France ignore encore !!!
Au cours desquelles nombre de gens furent tués ou blessés ou portés disparus...
* Contexte social, extrait Wikipédia :
(La Golaniade (en roumain, Golaniada) est le surnom des « manifestations de la place de l'université », un mouvement de protestation qui s'est tenu sur la place de l'Université à Bucarest en Roumanie du 22 avril au 15 juin 1990. Ce mouvement fut lancé par les étudiants et les professeurs de l'Université ... Le nombre de victimes de la Minériade varie selon les sources)
* Article de Dragomirescu Daniel :
.Nos tristes anniversaires
13 – 15 juin 1990, La Grande Chasse à l’Homme
Il existe certaines choses qui nécessitent d'être clarifiées, en détail, concernant la Grande Mineriade...
Ce qui semble plus difficile à comprendre est la manière selon laquelle ont agi a l’époque les forces de répression, qui ne se sont pas limitées seulement à viser, voire chasser, ceux qui étaient connus comme « golans de la Place de l’Université », car ils ont élargi leurs actions contre beaucoup d’autres groupes de personnes. Maltraiter des passants, accostés au hasard dans la rue, semble être une initiative peu plausible et incongrue. En réalité, la chasse à l'homme, dans les rues et les maisons des bucarestois, aux jours de la Grande Mineriade, n’a pas été faite de façon aléatoire, n’a pas été le fruit d'un caprice ou idée instantanée et momentanée.
Durant les quelques mois précédant la Mineriade de juin, tous les participants, permanents ou occasionnels, à la manifestation de la Place de l’Université, ont été espionnés, filmés, photographiés, denoncés, identifiés, enregistrés. À l’appui du pouvoir du FSN (dit « Front de Salut National ») est venue ainsi une multitude de documents oú apparaissaient les noms, prenoms, professions, dénonçant tous ceux qui, entre mars et mai 1990, par conviction, luttaient au nom d’un avenir meilleur pour leur pays, pour l’application du Point 8 de la Proclamation de Timişoara, tout comme les tables nominales de ceux qui étaient inscrits dans le PNL (Le Parti National Libéral) et surtout dans PNŢcd (Le Parti National Paysan Chrétien et Démocrate). Tous ces documents étant tombés finalement dans les mains des forces de répression, qui n'ont certes pas fortuitement cassé et dévalisé les sièges des deux partis démocratiques de l’opposition.
Ceux qui ont été bestialement maltraités et tués dans les rues de la Capitale, en plein jour ou à minuit, les jours tragiques de juin, peuvent être inclus dans plusieurs catégories :
a) Les personnes ayant condamné les agissements des mineurs (vrais ou faux) oú bien ayant exprimé de n’importe quelle autre manière leur désaccord face à cette barbarie (comme fut le cas du Poète Cezar Ivănescu, bestialement maltraité parce que, du balcon de son appartement situé près de la Place de l’Université, sur le Boulevard Magheru, il chahuta un groupe de mineurs et de personnes civiles qui participait aux représailles – et ce n’est qu’un exemple) ;
b) Les personnes figurant sur les listes noires et qui furent poursuivies, espionnées, monitorisées ;
c) Les etudiants (En Ecole d'Architecture, à l’Université...) ;
d) Les gens qui, pour leur malheur, présentaient un aspect dit « intellectuel » (portant barbe et lunettes, vêtus de blue-jeans, etc.) et qui, comme il s’est avéré dans nombre de cas, n'étaient aucunement en relation avec la Place de l’Université, mais qui se trouvaient en place inopportune, dans un moment inopportun (le cas de Mihai Tănăsescu, plus tard ministre dans un Gouvernement PSD, battu par les mineurs, puisqu’il fut pris pour un opposant de FSN).
La motivation profonde, en une telle manière d’agir, est inhérente aux ressorts de la répression politique. Après l’effondrement de la dictature communiste, la peur se devait d'être (re)établie au niveau de toute la société, afin que les facteurs politiques de décision du moment puissent intervenir librement, selon leur propre aveuglement et folie, sans se heurter à aucune résistance significative de la part des citoyens, trop surpris pour pouvoir réagir.
La chasse à l’homme pendant la Grande Mineriade a laissé derrière elle beaucoup de victimes. Le nombre de gens grièvement maltraités s'est trouvé très élevé, mais également le nombre de morts suite aux actions repressives, qui fut considérable. Le chiffre avance, de six morts entre les 13 et 15 Juin constitue une histoire pour enfants. En réalité, le nombre de morts, suite à la répression, s'avère considérablement plus grand. La somme totale des victimes n’est pas bien connu, cependant, on peut avancer des chiffres approximatifs, en corroborant les informations.
IL existe en particulier les temoignages des médecins, qui évoquent un grand nombre de victimes gravement blessées, lesquelles, après avoir reçu les premiers secours, ont refusé de rester à l’hopital bien que les médecins aient craint pour leur survie. Au cimetière Străuleşti 2, situé en marge du nord de la Capitale, dans une zone assez inaccessible, peu de temps après les sanglants événements, on a amené et enterré sans aucune cérémonie funéraire, des dizaines et des centaines de cadavres en putréfaction ; des morts qui ont été enregistrés tout simplement comme “non identifiés” ...(Une formule cachant de terribles méfaits). Străuleşti 2 est un cas connu et révélé, grâce à la presse, mais on sait que des “non identifiés” ont été enterrés, en Juin 1990, également dans d’autres cimetières (comme par exemple dans celui de Domneşti, une commune de banlieue). Toujours selon des temoignages, le Crématoire “Cenuşa” (“Les Cendres”) aurait fonctionné en feu continu ces jours de Juin. IL se trouve aussi des personnes disparues, que l'on soupçonne de se trouver parmi les morts de la Mineriade. Un temoin de l’etranger, qui a voulu garder l'anonymat, évoque, dans ce sens, le cas d’un enfant de 12 ans, abattu pendant la nuit dans la zone de l’Université. Comme le montre l’acte d’accusation émis en Décembre 2016 par les procureurs du Parquet d’auprès la haute Cour de Cassation et Justice, les leaders politiques ayant d’importantes responsabilités dans l’État en 1990 (et après) ont les mains pleines de sang ; mais aussi ceux ayant fait publiquement l’éloge de la répression de Juin 1990 et qui ont une responsabilité d’ordre moral, quelles que soient les circonstances qu’ils invoquent aujourd’hui pour se disculper...
Ion Iliescu condamnait les légionnaires de Corneliu Zelea Codreanu (1899 – 1938), mais ces jours-là, le FSN (fondé par lui) s’était pleinement manifesté comme une organisation terroriste de type bolchévique, qui n’épargnait aucun crime et violence pour conserver le monopole du Pouvoir. De surcroit, sa déclaration de 1990, selon laquelle la Roumanie pouvait rester en continuation un pays totalitaire, mais “conduite par un despote sage” s'avère digne d'une apologie post-communiste !
 Les conséquences de la Grande Mineriade, dans notre histoire récente, demeurent néanmoins d’une gravité exceptionnelle. Dominée par des forces politiques selon lesquelles la vraie démocratie n’a aucune valeur, la Roumanie s'est trouvée reléguée en périphérie du monde civilisé, avec des politiciens vénaux d’extraction communiste, avec un développement économique au-dessous du potentiel dont elle dispose dans les faits, alourdie d' un contingent de plagiaires et d'imposteurs devenus du jour au lendemain des ministres, avec des écoles obligées de plier toujours face au facteur politique, ceci au détriment de la bonne instruction et éducation, avec des hopitaux oú l’on se meurt au lieu de se guérir, avec une florissante corruption, avec un réseau routier public défectueux, entraînant chaque jour son tribut de morts et de mutilés, avec des palais quasiment impériaux, de centaines de milliers d’Euros, côtoyant des dizaines de milliers de personnes socialement assistées, avec des millions de Roumains qui abandonnent leur pays pour chercher une vie plus humaine ailleurs.
Après 27 années, la Grande Mineriade reste encore une blessure ouverte couvrant tout le corps de la Roumanie, d'un voile sanguinolent.
13 Juin 2017
Daniel Dragomirescu
Journaliste et Ecrivain roumain , collaborateur des journaux et revues roumaines importantes, tel que MEMORIA (LA MEMOIRE, REVUE DE LA PENSEE ARRETEE), REVISTA 22, NORD LITERAR.
* BIBLIOGRAPHIE du Journaliste :
Daniel Dragomirescu (Né le 12 Avril 1952, à Bucarest) est un écrivain roumain, auteur d'essais, romans et nouvelles, également journaliste et éditeur. IL est membre de l'Union des Ecrivains Roumains, diplômé de l'Université de Philologie de Bucarest. Le Journal « Teleormanul » (Alexandria, 1971) accueille ses débuts poétiques et le Journal « Pareri tutovene », (2001, Barlad) ses débuts en prose, avec la Nouvelle « Noah's Ark ». IL collabore à différents journaux ou revues : « The literary Romania », « Literary Debates », « The Literary North », « 22 Magazine », « Memory », et autres. Auteur de nombreux livres : « The last Rhapsodie and Other Stories » (Editorial début 2002), « Liviu Rebreanu », « The Novelist and his World » (2002), « Nothing New after the Iron Curtain » (2003, Nouvelle), « The Red Desert » (2004, Nouvelle), « The Sign of the Sickle » (2007, Nouvelle), « The Chronicle of the Theodorescu Family » (2008, Nouvelle), « Intercultural Horizons » (2012, Essai), « The End of a Dictatorship » (2015, Articles), « The Meeting with Cerberus » (2016, recueil de Nouvelles). «The Intercultural Dictionary » (2017). Fut nominé pour « The Prose award of the Jasy branch of the Writer's Union » en Roumanie. En 2016, il reçoit « The Prose Award » du Magazine « The literary North » à Baia Mare. Plusieurs volumes d'ouvrages critiques : « Geo Vasile, Prose and Essay Writers » (Publié chez EuroPress, Bucarest, 2008), « Boris Craciun, 1500 Romanian Writers » (Chez Portile Orientului, Jassy, 2010). Rédacteur en Chef de la Revue « Contemporary Literary Horizons » and coordonnateur à la Collection interculturelle « Bibliotheca Universalis », pour les traductions bilingues ou trilingues.

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